TERRA INCOGNITA #1
programme
Les terres explorées par les trois artistes Pauline Buzaré, Alexandre Erre et Elsa Brès, sont soit éloignées géographiquement et découvertes donc, soit elles bénéficient d’une approche spécifique dont chaque film se fait l’écho. Isolement d’un domaine minuscule au cœur du gigantisme, décalage du son et de l’image avec des relents de colonialisme, relevés de matériaux soumis à l’interprétation. Ainsi les présences physiques, les arpentages se doublent d’approches sensorielles.
Pauline Buzaré
Nydia Sounds, 2017, 12 mn
J’ai filmé ces images dans une baie isolée, accessible en bateau ou à pied, en Nouvelle-Zélande. J’y suis allée pour aider un monsieur qui a construit sa maison lui-même dans un paysage incroyable. Ce lieu était magique. Chaque jour je me réveillais avec l’impression de vivre dans une peinture. Là-bas, j’ai fait la rencontre d’Ella, une anguille mystérieuse qui a peut-être 80 ans aujourd’hui et qui occupe le même petit étang dans la forêt depuis des années. J’allais lui rendre visite tous les jours et je la voyais apparaître discrètement après quelques secondes d’attente. Ce film est l’exploration de cet endroit spécifique, retiré de la civilisation, et de la rencontre avec cette anguille aux yeux bleus. Un personnage féminin erre dans la baie et veut accéder à cet îlot visible de la terre. PB
Alexandre Erre
La découverte de l’inconnu, 2017, 9 min 31
Ce film mélange deux éléments : d’un côté, une vidéo de 1938 qui vise à promouvoir les camps de nudisme auprès des américains et de l’autre, une narration provenant d’un programme publicitaire destiné à améliorer le tourisme américain à Tahiti. Aux images de Tahitiens décrits dans le document sonore comme « intacts, unspoiled people », l’artiste substitue celles d’un groupe de nudistes américains. Le décalage image/son génère non seulement de l’absurde, mais, à la lumière de ce que l’on connaît de la colonisation et de l’impérialisme, un profond malaise. Comment en effet ne pas être gêné par les commentaires sur la vie paradisiaque des Tahitiens, tout en suivant les déambulations clownesques d’une bande de riches et insouciants Occidentaux, qui, quoique nus, reproduisent tous les clichés du loisir bourgeois – équitation, golf – d’un monde capitaliste ?
Myriam Dao sur La découverte de l’inconnu dans son webzine Vernaculaire & Adventice. AE
Elsa Brès
STELLA 50.4N1.5E, 2016, 15 mn
Production : Le Fresnoy - Studio national des arts contemporains
Face à une mer de dunes, des mains classent et agencent une masse de documents — cartes, prélèvements, scanners de paysage, photographies thermiques — dessinant ainsi la cartographie multiple et envahissante d’un paysage mouvant. Ce travail de manipulation construit et érige Stella, une cité balnéaire dépeuplée, en un milieu où appréhender les liens entre instabilité des matières du monde et autorité de la géométrie.
Le processus de perception se déplace, les bâtiments s’épuisent, le paysage est une architecture. EB