À travers les trois films de Rossella Piccinno, Sabine Massenet et Valery Grancher se formule la question de la place et de l’origine des hommes à bord. Rossella Piccinno a filmé à Dunkerque l’opération délicate de déhalage du grand navire coréen Hanjin Rizhao. C’est à dire son déplacement d’un quai à un autre pour procéder aux déchargements vertigineux de minéraux. Face à ce gigantisme, les paroles qu’elle a recueillies des hommes d’équipage et de ceux qui guident et entourent ce déplacement circonscrit, alimentent la bande sonore subtile. Les consignes de manœuvres, les témoignages restituent la présence humaine tels des souffles, des bribes ou des échos. Sabine Massenet a interrogé des marins, en très courte escale à Port-de-Bouc et dans leur foyer d’accueil temporaire avant de reprendre la mer. On y apprend que les escales dans les ports se font de plus en plus courtes, cantonnant les marins à des temps de plus en plus long en mer donc, isolés, coupés du reste du monde et vivant en autarcie. Les conditions de vie en mer les plus longues revenant aux Philippins dont on entend aussi un court témoignage dans le film de Rossella Piccinno. Si leurs conditions sont les plus difficiles ils n’en sont pas moins d’excellents camarades pour le reste de l’équipage soucieux des autres et meneurs d’ambiance dans les soirées. Le film révèle des visages de marins qui posent silencieux devant un mur de photographies d’identité d’hommes de la mer. Leur présence attachante est indéniable. Le film de Valery Grancher révèle des visages d’hommes, de femmes, d’enfants, qui tranchent avec ces deux univers précédents quasi exclusivement masculins. Mais ce sont des visages, des corps que l’on ne saurait voir. Il ne sont ni marins, ni ne voyagent pour leur agrément. Ces réfugiés qui ont quitté leur pays pour des raisons économiques et politiques tragiques luttent désormais pour leur survie, dans un environnement hostile, sur des embarcations de fortune, peu sûres. Ces embarcations sont tellement dérisoires face aux mastodontes qui battent pavillon sur les océans qui les croisent parfois et dont certains les sauvent d’un péril irrémédiable. Valéry Grancher en compilant des films de sources différentes, dans une forme de constat implacable, affiche l’étendue de cette crise humanitaire qui contraint à l’exil et peine à mobiliser les consciences.