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MILUTIN GUBASH
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Depuis 2003, Milutin Gubash a largement travaillé le médium vidéo, autant en séries que dans des œuvres indépendantes. Variant de 30 secondes à parfois plus de 30 minutes, les scénarios s’articulent toujours autour de la famille de l’artiste, de ses amis et connaissances professionnelles qui interprètent une version des rôles qu’ils jouent dans la vie quotidienne de Gubash. Ainsi, la mère de l’artiste devient « sa Mère », alors qu’un ami ou collègue jouent l’artiste malheureux ou le conservateur désintéressé.

L’artiste ne se limite pas à un seul médium. La pratique multidisciplinaire de Milutin Gubash s’amuse à jongler avec les codes narratifs, autant en vidéo, en sculpture, en photographie qu’en performance.

 

Fortement imprégnés d’humour et tendant parfois vers l’absurde, ces œuvres amusent le spectateur et permettent à l’artiste d’aborder des sujets plus difficiles. Il choisit de mettre en scène sa propre vie quotidienne, ses déboires professionnels, sa solitude et ses rêves. Il souligne ainsi la complexité des diverses forces auxquelles est soumis chaque individu : l’autre bien sûr, mais aussi le social, le politique, l’historique et l’économique.

 

Entremêlant allègrement l’art et la vie, Gubash n’hésite pas à modifier la réalité afin de la rendre plus crédible, plus préhensible. Il exacerbe les questions de l’héritage et de la mémoire en déployant un ensemble de récits familiaux qui oscillent entre réalité et fiction. Ainsi il construit, au fil du temps, une véritable saga à la fois grave et amusante.

 

L’artiste aborde avec humour et intelligence les questions d’authenticité et de perception de l’identité culturelle, politique et sociale, tant avec ses immenses photographies noir et blanc de monuments communistes, ses « lampes-sculptures » créées en collaboration avec des membres de sa famille toujours en Serbie, qu’à travers les épisodes de « Born Rich Getting Poorer », sitcom / soap-opera / téléréalité qui préfigure de quelques années l’obsession du selfie et des constructions autobiographiques continuellement mises à jour.

 

Né en 1969, à Novi Sad en Serbie, Gubash a immigré enfant au Canada, où désormais il vit et travaille à Montréal et Québec. Il n’a cessé de se construire une relation avec la Serbie, son pays natal, à travers les récits que lui racontait sa famille et d’intensives recherches, usant d’imagination pour en combler les lacunes.

« Birds, From Near and Far Series (2003-2005) »

2003, 1 min. 28 sec.

Film couleur 16 mm transféré sur vidéo numérique, son

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« Birds » (2005) est l’une des 24 courtes vidéos interconnectées (de 30 secondes à 5 minutes) de la série « Near and Far » (d’Ici et d’Ailleurs), qui ont été créées au cours d’improvisations. Comme les autres vidéos de la série, elle a été réalisée au cours d’une collaboration entre l’artiste et ses parents, sa partenaire, sa fille, ses amis et des collègues artistes. Dans « Birds », les parents de l’artiste sifflent dans des fourrés, un ton méconnaissable qui devient langage privé, communiquant quelque chose qu’ils sont les seuls à comprendre. La tête de l’artiste surgit, dans un bruissement entre les branches. Il siffle en retour, avant de disparaître à nouveau, captant leur image pendant une minute d’échange. MG

« Tournez »

2005, 53 sec.

Vidéo numérique, son

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« Tournez » (2005) est aussi l’une des 24 courtes vidéos interconnectées (de 30 secondes à 5 minutes) de la série « Near and Far » (d’Ici et d’Ailleurs). Dans « Tournez », deux angles de caméra capturent simultanément des actions qui se produisent devant chacune d’elle. Deux familles et deux générations tournent en rond et se regardent. Un jeune couple (l’artiste et son amie enceinte) est enlacé dans une étreinte ; tandis que les parents de l’artiste tournent autour du couple plus jeune en décapotable de location. Deux orbites du voir et être vu réciproquement. MG

« Which Way To The Bastille ? »

2008, 8 min. 40 sec.

Vidéo numérique, son

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« Which Way to the Bastille? » est la dernière vidéo créée avec le père de l’artiste avant sa mort seulement quelques jours après ce tournage. Dans celle-ci, l’artiste demande à son père de répéter les premières lignes d’une autobiographie qu’il avait, lui-même, commencé à écrire. Elles spéculent sur le cosmos et expriment une curiosité concernant la signification de la vie, en partant des souvenirs de sa prime jeunesse jusqu’au présent. Mais l’artiste a demandé à son père d’énoncer ces lignes en anglais, une langue et une tâche avec lesquelles son père clairement lutte. Il lui est demandé de répéter les mêmes phrases encore et encore jusqu’à l’écœurement et jusqu’à ce que les mots et leur signification commencent à perdre leur sens, et ne deviennent qu’une source de frustration. Et puis nous mourrons. « Au revoir monde cruel », comme le père de l’artiste répète à l’infini, avant de quitter la vidéo. MG

« Mirjana »

2010, 6 min 04 sec.

Vidéo, couleur

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« Mirjana » (2010) est une vidéo filmée par Skype. Elle est réalisée par l’artiste et sa mère à Montréal au Canada et sa tante à Pancevo en Serbie. Dans celle-ci, l’artiste entreprend d’interviewer sa tante à propos de la question de la censure de l’art et des artistes à l’ère socialiste, en particulier dans les années 1950-1970. Il emploie sa mère comme traductrice, mais à son tour, elle finit par censurer ses questions, afin d’épargner à sa sœur / la tante, le malaise et le compromis de s’exprimer publiquement sur de tels sujets. Sa tante objecte qu’elle ne s’y connaît pas beaucoup en arts visuels, préférant à la place le domaine de la littérature, sur lequel l’artiste et la mère avouent, tous deux, n'en savoir presque rien. Une comédie d’erreurs par inadvertance, où toutes les tentatives de communication sont frustrantes ou entravées, et où personne ne prétend savoir de quoi l'autre parle… MG

« Vesna @ Monument » 2016, 3 min. 46 sec.

Vidéo numérique, son

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Dans « Vesna @ monument », une femme modeste, d’âge moyen apparaît sur le site d’un monument délabré, au milieu de nulle part, probablement érigé à l'époque où elle était jeune et des plus optimiste. Le monument a été commandé afin de commémorer les actions héroïques de citoyens ordinaires dans leur lutte contre le fascisme, ainsi que promouvoir et participer à un état utopique, progressiste. Elle traine devant le monument et s’assoie pour fumer une cigarette. On attend une voix off lui poser des questions telles que la signification de l’endroit, de ce monument, de ce moment. Elle ne répond pas, comme si elle n’entendait pas la question, même en reconnaissant la présence de l’appareil photo et la voix elle-même. On pourrait supposer que c’est la voix du caméraman ou du réalisateur, peut-être la voix du monument lui-même, qui tente de déterminer sa signification de nos jours. Il n’obtient aucune réponse et finalement (peut-être fatiguée de la question), elle s’en va simplement, avec l’interlocuteur laissé dans son incertitude. La vidéo semble rejeter ou nier un passé, tout en exprimant une grave incertitude quant à l'avenir. MG

« Re-Enacting a moment in 2008, when I encountered a monument near Jagodina (Serbia) as a puppet act »

2016, 2 min 51 sec.

Vidéo, couleur

Reenactinig_a_moment_videostill.jpg

Comme le titre de la vidéo l’énonce, l’artiste tente de retrouver un moment d’inspiration profonde, lorsqu’il a rencontré tout d’abord un monument, puis un autre, et un autre, et un autre, lors de son voyage à travers le pays dans lequel, il est né, mais qu’il a quitté encore garçon.

 

Ces monuments ont été commandés à des artistes dans un style (que l’on pourrait qualifier d’«Abstraction des Balkans»), qui a été ignoré ou ridiculisé quelques années plus tôt par le gouvernement socialiste, à la fois pour honorer les grands sacrifices consentis par les combattants partisans et les civils pour lutter contre le fascisme et assurer la poursuite de l’expérience socialiste. Il s’agissait aussi de fournir un point de concurrence envers le style occidental répandu dans la sculpture publique, qui prévalait alors aux États-Unis et en Europe occidentale, afin d’attirer les touristes et les devises étrangères.

 

Cette lignée s’ajoute au fait que les monuments ont été construits dans les années autour de la naissance de l’artiste et constituent une sorte d’« appel », une révélation sur le but et la signification de l’art. Une marionnette, portrait de lui en papier mâché avec sa caméra, (qu’il manipulera lui-même devant une autre caméra), évolue devant un papier d’aluminium façonné à la main par l’artiste en une forme approximative qui ressemble à l’œuvre originale, d’échelle monumentale en béton et métal, réalisée par un autre artiste venant d’un lieu et de temps lointains. Et des bouts de tissus et de plastique concrétisent l’esprit d’animaux, convoyeurs d’un message secret, que seul l’artiste peut ou non appréhender. MG

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