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2016

JEAN MARC MUNERELLE
programme

Jean Marc Munerelle

144 heures, course contre la nuit

2015, 36 mn

Production Didier Zyserman

144 heures, course contre la nuit est un film sur les records du monde de distances parcourues sur tapis par Pierre-Michaël Micaletti. En moins d’un an, Pierre-Michaël Micaletti dépassera par trois fois la distance de 800 kilomètres en course à pied en moins de six jours soit 144 heures.

Le tapis roulant est une surface permettant une mesure scientifique de son état d’éveil et de sommeil grâce à des capteurs reliés à des ordinateurs. Pendant l’épreuve Pierre-Michaël Micaletti alterne course, marche et courtes siestes de moins de vingt minutes.

Au sortir de ces courtes siestes, au moment de cet éveil conditionné, le coureur reste suspendu de longues secondes au seuil de la conscience. Ainsi, au quatrième jour, il confie avoir cru pour un moment être au milieu de la course précédente, qui a eu lieu six mois plus tôt à Antibes. Les souvenirs des courses antérieures viennent se confondre avec la course présente pour communier dans un même et unique mouvement. Aux moments les plus durs, le temps et l’espace s’évadent sans prévenir, immédiatement remplacés par les souvenirs. Ces sensations qui ne sont pas fugaces se lisent longuement dans le regard halluciné du coureur.  

Ce projet est venu à moi sans que je le recherche. Il m’est apparu que dans la dualité entre veille et sommeil se posait à la fois des questions intimes mais aussi universelles : conscience/inconscience, rêve/réalité... De plus, je trouvais in-vivo des notions présentes dans des projets antérieurs : performance - média - corps. Enfin, la course par sa durée, par l’organisation qu’elle présuppose est une forme de scénarisation au même titre qu’un match de foot qui dure quatre vingt dix minutes sans que l’on en connaisse la fin.

De la même manière, les instruments scientifiques qui entourent les « artistes du mouvement statique » sont un habillage, une scénographie, une animation. Ces artifices servent à porter les coureurs et ces coureurs entraînent tout le groupe.

Lorsque j’ai filmé la première course, je ne savais pas que le projet prendrait cette forme ni que le montage final ressemblerait à ce voyage dichotomique entre des images d’époques, de natures si différentes. Au départ tout se passait dans une maison à la campagne. Je choisissais de filmer de manière rationaliste. La nuit et le jour, par tranche de deux heures car les cartes de la caméra demandaient à se vider après deux heures de filmage. J’ai fait un dérushage et j’ai essayé d’en faire un document-constat qu’un physiologiste pourrait analyser : voir les foulées, voir les signes de fatigue, d’amincissement... et déceler l’état de clairvoyance.

Lorsque la course à la Villette avec tout son dispositif scénique et médiatique s’est mis en place six mois plus tard alors, il a semblé évident qu’il y avait une opportunité à saisir pour au final faire un documentaire qui jouerait dans sa narration des deux univers visuels et sonores pour créer un rythme, une attente, un mystérieux sentiment d’ici et d’ailleurs amplifié par l’ambiance « spatio-temporel de l’architecture géodique », les habillages des coureurs et la musique planante. 

Dans cette deuxième course, je n’ai effectivement pas filmé les mêmes choses. Je ne me suis pas intéressé au numéro de cirque mais plutôt à la caravane. Ce qui m’avait frappé dans la première course était l’empathie des visiteurs, des accompagnateurs, des amis, bref tout le monde envers ces coureurs partis pour 144 heures. Le phénomène humain, celui qui consiste à se voir dans l’autre, se révélait intensément en présence des coureurs. Le deuxième filmage se voulait donc un contrechamp à la première course.  Jean Marc Munerelle

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