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NIGHT SHARING
programme

Fantômes et ennemis se confondent et s’accumulent quand la nuit tombe.

Pierrick Mouton

Oro, 2017, 17 mn

 

Oro est une divinité de la nature, une divinité du vent, une divinité invisible. Dans le pays Yoruba, Oro est la divinité la plus influente, la plus terrible, la plus puissante. Lors de la saison estivale, et ce pendant 15 jours, Oro se réveille. À la nuit tombée, drapé dans une longue robe, décoré de coquilles, un masque en bois peint, les lèvres teintées de sang : Oro défile dans la ville obscure. Les hommes initiés paradent dans les rues sombres; tourbillonnant, dansant, chantant, tuant chiens et poules errantes. Soudain, un bruit étrange rugit et résonne de la forêt lointaine.

C’est le signal pour toutes les femmes, de s’enfermer dans leurs maisons: elles n’en sortiront plus. Elles se couchent, couvrent leurs têtes et celles de leurs enfants. Elles ont interdiction formelle de regarder le personnage masqué du Oro sous peine de mort ou d’amnésie soudaine.

Une légende raconte que les profanes qui s’aventurent dehors aux jours interdits sont avalés par la divinité Oro. Leurs corps disparaissent et on retrouve leurs vêtements accrochés aux arbres le lendemain.

Oro est un culte ancestral toujours actif dans le sud du Benin. Il est utilisé à des fins politiques, pour préserver l'ordre établi, dans la communauté. PM

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Pierrick Mouton, Oro, 2017, 17 mn

Baptiste Jopeck

Viewfinder material, 2017, 16 mn

 

« Dans les documents, la matière règne totalement [...]. La matière, c’est ce qui est rêvé. » (Walter Benjamin, Sens unique). « Viewfinder material » est un film de « night footage » réalisé à partir d’images d’entraînements militaires nocturnes des forces armées américaines. Toutes les images sont tournées en « night vision » et témoignent de la production de visibilité et d’invisibilité de la cible. Ces images ont été réalisées pour un usage spécifiquement militaire, à des fins d’usage, de simulation et d’archives. Elles témoignent de l’idée d’un progrès de l’efficacité de la visibilité militaire. Mais confirment cependant la fin de la dialectique du « voir » et du « montrer » portée originellement par l’image, puisque la conjugaison de l’arme et de la caméra a bien eu lieu dans une technique de la visée. Le champ de vision n’est délimité que par celui du viseur ou du  « gun viewfinder » dans lequel ennemis et fantômes se confondent et s’accumulent.

C’est parce que la guerre contemporaine transgresse le visible qu’il faut tenir compte des effets spectraux qu’elle produit (aveuglement de l’ennemi, in-apparition du drone, nouvelle hiérarchie de la violence, etc.) révélant sa métamorphose en chasse punitive ou sanction programmée. Dans cette perspective, « Viewfinder material » montre qu’elle ne remplit que les conditions du simulacre, de l’image synthétique ou prothétique, de l’événement virtuel, du cyberespace et de l’arraisonnement dont les spéculations et appropriations déploient des puissances télé-technologiques inouies. Sa seule tangibilité sera sans doute sonore. Nous cherchons à voir la guerre alors qu’il suffit de l’écouter. C’est ce que dit Rilke du fantôme : « Un fantôme c’est encore un lieu / Où ton regard se heurte en produisant un son. » Ainsi hante la guerre, comme un fantôme qui commence par me voir, elle vient me visiter avant d’apparaître. BJ

 

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Baptiste Jopeck, Viewfinder material, 2017, 16 mn
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